Présentation générale
Chef d’œuvre de Jean Cocteau et son œuvre la plus connue, La Belle et la bête est un film relevant du genre fantastique et du merveilleux. Sortie en 1946, un an après la Seconde Guerre Mondiale pendant l’après-guerre, la mode est plutôt au néo-réalisme. Mais le réalisateur se démarque par sa poésie symboliste et plonge le spectateur dans un univers féerique, un rêve éveillé, un conte fantastique. Le poète se propose de réenchanter le monde à « l’encre de lumière » de montrer aux spectateurs de tous âges que de la laideur peut naître la beauté, de redonner à chacun son âme d’enfant. Cocteau veut être l'artisan d'un cinéma où le public est « hypnotisé par les forces d'outre-tombe ».
Sujet film : Réflexion sur l’amour et la mort, amour fondé sur la vertu, victoire de l'esprit sur le corps, métaphore du désir...
Peut-on et doit-on aimer quelqu’un en dépit de sa laideur physique ?
« Un rêve dormi debout », Jean Cocteau.
Biographie brève de Jean Cocteau (1889-1963) :
Il est poète, graphiste, dessinateur, dramaturge et cinéaste français. Il est élu à l'Académie française en 1955.
Il a été l'impresario (= agent artistique / manager) de son temps, le lanceur de modes.
En dépit de ses œuvres littéraires et de ses talents artistiques, Jean Cocteau insista toujours sur le fait qu'il était avant tout un poète et que tout travail est poétique.
La Belle et la Bête est un film fantastique qui s'inspire du conte éponyme de Jeanne-Marie Leprince de Beaumont de 1757. Ce film est la véritable première adaptation cinématographique du conte.
Le film utilise les meilleurs artisans du cinéma de l'époque à savoir :
- La photo de Henri Alekan ;
- les costumes de Marcel Escoffier ;
- le maquillage d’Arakelian ;
- la musique de Georges Auric.
Le film utilise un minimum de trucage : artisanaux mais techniquement supérieurs pour l’époque (Cf : le gant qui permet de traverser le mur). Il supprime les gazes, les voiles, troque les flous artistiques et les faibles contrastes très utilisés dans le noir et blanc contre une photo très nette, ciselée et dure.
Les références picturales suggérées par Cocteau allaient à l'encontre des recherches cinématographiques du moment. Les intérieurs sont influencés par les peintures des maîtres flamands et hollandais, surtout celles de Vermeer (1632-1675). Le monde de la Bête, sombre et mystérieux, se réfère quant à lui aux lumières et aux ombres des gravures de Gustave Doré (1832-1883).
"Fuir le poétique, le fantastique spectaculaire et truqué, les brumes et les flous de l'irréalisme de convention", Jean Cocteau
Postérité :
- Le film participe à la première au Festival de Cannes en septembre 1946. La sortie nationale est prévue pour le 29 octobre 1946.
- Il obtient le prix Louis Delluc en 1946 (= récompense annuelle et unique du cinéma français).
Soucis de tournage :
Les conditions de travail n'étaient pas des plus confortables : Jean Cocteau a eu des difficultés à trouver de la pellicule, il y a eu des restrictions d'électricité, des pannes de courant ou encore de l'absence de lumière de studio qui dépendait le plus souvent de la lumière du jour, des chandelles, des torches ou des arcs de magnésium.
Jean Cocteau insistait d'ailleurs pour filmer sous toutes les conditions dans le but d'évoquer la beauté qui vient “par hasard”.
LES DEUX ACTEURS PRINCIPAUX :
A/ Jean Marais :
Il joue 2 rôles : l'avenant (ou Gaston dans la version Disney) et la Bête / le Prince.
- Il s'agit du rôle le plus célèbre de Jean Marais ;
- Jean Marais failli refuser le rôle lorsqu'il sut qu'il serait masqué presque tout le film ;
- Pendant le tournage il était mobilisé en Allemagne à l'époque mais Jean Cocteau obtint du général Leclerc une permission spéciale pour que l'acteur puisse tourner.
- L'acteur imaginait au départ une Bête à tête de cerf mais la Bête devait effrayer, et ne pouvait être en conséquence un herbivore mais un carnivore. Le maquillage, très pénible, prenait cinq heures chaque jour : trois heures pour le visage et une heure pour chaque main. Ainsi déguisé, Jean Marais put seulement se nourrir de purées et de compotes durant le tournage.
B/ Josette Day (1914-1978) :
Elle joue la Belle.
- Son vrai nom est Josette Dagory ;
- Épouse de Marcel Pagnol jusqu'en 1944 ;
- Elle est d'abord danseuse : à 9 ans, elle est le "petit rat" à L'Opéra. Mais une chute malencontreuse au cours d'une représentation de Tannhaüser met fin à sa carrière de danseuse ;
- C'est aussi grâce à ce film que sa carrière se concrétise !
Analyses (brefs) d'extraits :
LE GÉNÉRIQUE DE DÉBUT :
Le générique (de 5 minutes) est écrit en amorce par Jean Cocteau lui-même sur un tableau noir de salle de classe. Un clap annonce le cinéma en train de se faire, et une main arrête l’action : « Un instant ! » Sur des roulements de tambour apparaissent les mots suivants, signés du réalisateur :
« L’enfance croit ce qu’on lui raconte et ne le met pas en doute. Elle croit qu’une rose qu’on cueille peut attirer des drames dans une famille. Elle croit que les mains d’une bête humaine qui tue se mettent à fumer et que cette bête en a honte lorsqu’une jeune fille habite sa maison. Elle croit mille autres choses bien naïves. C’est un peu de cette naïveté que je vous demande et, pour nous porter chance à tous, laissez-moi vous dire quatre mots magiques, véritable « Sésame ouvre-toi » de l’enfance : Il était une fois… ».
Le premier carton l’indique immédiatement, il s’agit d’un conte de l’enfance et Cocteau veut que l’on garde ces yeux là pour visionner son œuvre, qui est onirique.
Le générique permet d'entrer dans la fiction et de se laisser bercer par le rythme de l'onirisme.
LES SCÈNES DE MIROIR :
Ce sont des thèmes importants dans le film qui permettent de voir l'être cher (le père, l'amoureux...), c'est un pan entre le monde réel de Belle et le monde merveilleux de la Bête et enfin, ils permettent de montrer la laideur des hommes cupides.
Le miroir rappelle le jeu des apparences, la dualité beauté / laideur, bonté / cupidité, naïveté / méchanceté...
A 7 :20 minutes (voir photo) : Belle voit son propre reflet dans le parquet qu'elle est en train de laver, et elle voit l'arrivée de l'avenant (ou Gaston chez Disney), ce qui nous permet d'apercevoir la dualité entre la laideur de la cupidité et la bonté.
A 30:00 + 41:45 minutes : le miroir est une métaphore du désir de voir l'être cher (son père malade).
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